Partie Benoît
En 2010 avait lieu à l'Enssib un colloque intitulé "
Bibliothèques et Sciences de l'Information, quel dialogue ?". Ce colloque se déroulait dans le cadre des Entretiens Jacques Cartier, et était co-organisé par l'Enssib et la School of Information Sciences de l'Université McGill à Montréal. Il a donné lieu à des interventions et échanges sur la place des Sciences de l'information et des bibliothèques et notamment sur la signification d'une discipline qui convoque, dans son intitulé même, un objet d'étude central, la bibliothèque. En effet, les contours disciplinaires des Sciences de l'information et des Bibliothèques sont délicats à définir. Un
numéro de la Revue de l'Enssib abordait cette problématique en janvier 2013. Anne-Marie Bertrand, parmi d'autres, interrogeait cette identité complexe d'une discipline qui n'en est pas vraiment une. Elle se réjouissait en conclusion " ne faut-il pas se réjouir qu’avec la bibliothèque nous ayons trouvé un objet scientifique qu’une seule discipline ne saurait épuiser ? N’est-ce pas une chance pour les chercheurs qui s’y attachent ? N’est-ce pas une chance pour les praticiens que de disposer de tant de voisins éminents pour nouer dialogue ? ".
Ainsi, cette discipline si complexe à définir se trouverait face à la nécessité d'un dialogue double, interdisciplinaire d'une part pour échanger avec les autres approches sur cet objet d'étude que sont les bibliothèques, et professionnel d'autre part, avec une bibliothèque à la fois objet d'étude, terrain d'observation et d'expériences et interlocuteur qui permet de forger des problématiques scientifiques.
C'est plus précisément la nécessité et le sens d'un dialogue à nouer entre une (presque) discipline académique, les Sciences de l'Information et des Bibliothèques, et un objet politique, pour citer à nouveau Anne-Marie Bertrand qui constitue le point de départ de notre réflexion.
Nous considérons ici que cette double problématique peut trouver une proposition de réponse dans des espaces éditoriaux partagés entre chercheurs et bibliothécaires. Ces espaces éditoriaux permettant potentiellement une forme réinventée de coopération offrant un équilibre entre les attentes respectives des deux communautés, scientifiques et bibliothécaires.
Sur cette problématique précise, l'objectif d'une forme éditoriale telle que le carnet DLIS a d'abord été de proposer un espace de publication qui tienne compte des attentes des deux lectorats visés, universitaires et professionnels des bibliothèques. Pour cela nous avons souhaité proposer à la fois des articles de fond, rendant compte de projets de recherche ou de manifestations scientifiques mais également de réalisations ou de projets menés dans des bibliothèques avec le souhait de pouvoir associer aux descriptions de ces projets numériques une explicitation de l'intention, des enjeux pour l'établissement et les personnels, les difficultés rencontrées ou les évolutions par rapport à l'idée initiale.
Cette dualité des formats utilisés dans le carnet renvoie encore une fois à la question du dialogue entre les deux communautés. Elle renvoie à un constat, sans cesse renouvelé lors des manifestations auxquelles j'ai pu assisté depuis plusieurs années : les chercheurs ne fréquentent que peu les événements professionnels quand bien même les questionnements présentés pourraient être éclairés par leurs travaux de recherche. A contrario, les professionnels des bibliothèques ne s'adressent que peu aux enseignants-chercheurs pour alimenter leur réflexion sur leurs problématiques professionnelles.
Cette absence relative d'échanges respectifs s'explique en grande partie par les contraintes, institutionnelles et professionnelles auxquelles ces deux types de professionnels sont confrontés aujourd'hui.
Un premier frein est lié à l'économie symbolique de la publication académique qui amène les chercheurs à privilégier, presque exclusivement, les formes de publication reconnues dans leurs disciplines, à savoir les revues académiques reconnues par leurs instances d'évaluation, en France il s'agit de revues dites "qualifiantes" qui sont définies par chaque discipline ( en Sciences de l'Information et de la Communication la liste est disponible
ici) . Parallèlement, les professionnels des bibliothèques disposent d'une offre de revues dites "professionnelles" dans lesquelles les articles portent sur des pratiques, des réflexions et analyses de professionnels sur les enjeux de leur activité et ses perspectives. De ce fait, les lectorats ne se croisent que trop peu et les différentes productions ne permettent que rarement d'amorcer des réflexions croisées ou partagées. Pourtant, dans d'autres pays et notamment dans le monde anglo-saxon la publication scientifique fait partie intégrante des critères d'évaluation et de progression des carrières des conservateurs de bibliothèque.
Cette situation constitue un premier frein au dialogue entre les deux communautés.
Suivant la même logique, les événements pouvant donner lieu à des échanges entre chercheurs et professionnels des bibliothèques sont peu nombreux. Comme pour les publications, la contrainte de reconnaissance académique contraint les chercheurs à privilégier des conférences et colloques académiques pour lesquelles il existe un processus de sélection.
Ces contraintes ne doivent pas pour autant occulter les réalisations qui participent déjà à ce dialogue entre chercheurs et bibliothécaires. Le
BBF ou la revue
I2D , (anciennement Documentaliste - Sciences de l'Information) ou le projet
Prévu sont des exemples significatifs d'espaces partagés entre chercheurs et professionnels des bibliothèques.
C'est en partant de cet ensemble de constats que nous avons souhaité proposer un espace de dialogue, partagé entre chercheurs et bibliothécaires. Cette volonté était déjà présente dans l'organisation de la
Biennale du Numérique, avec l'objectif de construire un point de contact entre chercheurs, professionnels de l'édition et des bibliothèques. Le succès de cette manifestation (140 participants environ à chaque édition) nous conforte dans la nécessité d'un espace de dialogue entre les différentes communautés travaillant autour de la bibliothèque, du livre ou de la transmission du savoir.
Pour le carnet DLIS, ce point de contact s'inscrit dans la durée. Son inscription sur le long terme doit permettre de concilier le temps de la recherche et celui de la bibliothèque, de prendre un recul critique et réflexif sur les problématiques de terrain. L'espace éditorial participe à estomper ces différentes temporalités.
Son objectif, son ambition peut-être, est de devenir un objet éditorial partagé entre les communautés.
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Questions ouvertes aux contributeurs pour citation dans l'article du BBF:
- Chercheur/bibliothécaire
- Estimez-vous dans vos pratiques d’exercice professionnel qu’il y a suffisamment d’espaces éditoriaux de rencontre et d’échanges entre les professionnels de l’information et les chercheurs en SHS, en particulier dans les champs des SIC et des DH ?
- Si vous en connaissez, pouvez-vous citer un ou deux exemples ?
- Quelle valeur ajoutée représente pour vous la publication d’articles sur un carnet de recherche tel que DLIS ?
- Quel public visez-vous ?
2. Etudiant : mêmes questions
3. Animateur Hypothèses : le réseau des carnets de recherche académiques en SHS
- Estimez-vous dans le cadre de vos missions de Blogging Scientifique, d’accompagnement des communautés et de valorisation des contenus d'Hypothèses - qu’il y a suffisamment d’espaces éditoriaux de rencontre et d’échanges entre les professionnels de l’information et les chercheurs en SHS, en particulier dans les champs des SIC et des DH ?
- Si vous en connaissez, pouvez-vous citer un ou deux exemples ?
- Y-a-t-il beaucoup de carnets de recherche sur OpenEdition co-animés par des bibliothécaires et des chercheurs ?
- Quel est pour Hypothèses, le réseau des carnets de recherche académiques en SHS, l’intérêt et la valeur ajoutée d’un carnet de recherche comme DLIS, comparé d’un côté aux carnets de bibliothèques et de l’autre les carnets de chercheurs ?
- Mettez-vous des contenus de ce carnet en avant sur le portail d’Hypothèses ? Si oui selon quels critères ?